Avec fierté, nous nous considérons comme des succésseurs des idées et des traditions de la majolique russe de l’atelier d’Abramtsevo, bien connue avant la Révolution. Nous utilisons les recettes et les techniques artistiques de cet atelier et faisons également des recherches sur les formes et les couleurs. C’est pourquoi je voudrais vous parler dans cet article de l’atelier de céramique d’Abramtsevo, qui appartenait au célèbre manufacturier et mécène Savva Mamontov et qui s’est transformé plus tard en usine «Abramtsevo».
Mais c’était plus tard. Mais avant, en 1870, Mamontov a acheté la propriété du célèbre écrivain S. T. Aksakov; alors, célèbres artistes russes ont commencé à s’y rendre et à y travailler.
En 1889, un atelier d’art expérimental a été créé pour faire revivre la majolique russe consistant en des produits en argile cuite colorée recouverte d’un glaçage non-transparente. Probablement, la raison principale de la création de l’atelier de céramique était l’idée de la renaissance de l’art de la poterie à la main et la restauration des fours du manoir, car les fours exceptionnels dudit manoir avec des Carreaux multicolores du XVIIe siècle étaient en ruines. Quoi qu’il en soit, l’atelier a été créé et il est devenu un véritable phénomène de la culture russe.
De nombreux artistes expérimentent à l’atelier, mais Mikhail Vrubel et Pierre Vaoulin sont les plus connus; ce sont eux qui ont le plus contribué au développement de cet art.
Mikhail Vrubel, un artiste d’un grand talent décoratif, élève ce «métier utilitaire» jusqu’au niveau du d’un véritable art qui est devenu une étape importante dans l’histoire de la sculpture russe, car avec ses œuvres dans la sculpture traditionnelle, la couleur est apparue dans toute sa splendeur.
Pierre Vaoulin, jeune enthousiaste très doué, passionné de céramique, chimiste-technologue de formation, accompagne avec enthousiasme la renaissance de la majolique, développe un nouveau processus technologique, crée plusieurs recettes uniques de revêtements colorés et redécouvre une méthode oubliée de cuisson restauratrice. Un processus basé sur la réduction chimique, où, sous l’influence de la température et de l’atmosphère dans le four, les oxydes qui composent les pigments colorants se transforment en métaux, ce qui permet d’obtenir des effets artistiques époustouflants dans la majolique — métallisation, miroitement et éclat irisé.
Comme dans la majolique, sous l’influence du feu et de la chimie des peintures, se produisent des effets de la beauté extraordinaire; ici, dans l’atelier, sous le haut patronage de Savva Mamontov, la collaboration de génie de l’artiste et du chimiste-céramiste talentueux a donné un résultat magnifique, qui a influencé tous les arts russes.
Les valeurs de la majolique d’Abramtsevo étaient très appréciées par les contemporains — à la fois en Russie et à l’étranger. Les œuvres ont occupé des places honorables dans les expositions russes et internationales. Les compositions des revêtements étaient incomparables.
La majolique d’Abramtsevo se distingue par la beauté étonnante de la glaçure: l’alchimie magique de Vaulin a transformé la surface de la céramique en un bijou coloré. Un film mince et translucide, dans lequel il y a de l’or, de l’argent, du cuivre et du platine, leur donne une lueur métallique après cuisson fabuleuse.
En 1896, Savva Mamontov a acheté un terrain à Moscou où il a construit une usine pour la production de majolique. Et dans le même temps, un atelier de céramique du manoir Abramtcevo y a été déplacé; on a appelé cette usine de Poterie «Abramtsevo».
Les produits de l’usine ont connu un succès dans tout le pays. La célèbre «Princesse de Rêve» de Vroubel y a été créée — le panneau de céramique le plus célèbre de Moscou, qui orne la façade de l’hôtel Metropol. Les façades du Métropole sont ornées de 23 autres panneaux réalisés à l’usine Mamontov. Ce sont «l’Adoration de la divinité», «l’Adoration de la nature», « la Vie » et d’autres.
On a créé à l’usine le panneau de Konstantine Korovin sur les thèmes du Nord russe pour la gare de Yaroslavl. La gare, construite par Fedor Schechtel, est décorée de onze compositions. Au-dessus des fenêtres du premier étage, une frise vert turquoise, également créée à l’usine Abramtsevo, s’étend sur la façade principale.
Des frises en majolique ont été créées et installées sur la façade de la galerie Tretiakov selon le croquis de Vassili Vasnetsov.
Vous pouvez voir une autre œuvre de l’usine de céramique, sur la maison au 3 rue Kuznetsky Most, le panneau en majolique «Sokol» qui a survécu jusqu’à nos jours, réalisé à l’usine selon le croquis de l’artiste Nikolai Sapunov.
Dans la ruelle Hlebni, l’architecte Sèrge Soloviev a construit sa propre maison sur la façade de laquelle sont placés quatorze panneaux de majolique qui ornent le bâtiment. Aujourd’hui, la mission diplomatique Géorgienne est installée dans cette maison.
Malheureusement, il n’existe plus la maison sur la rue Sèrge Radonejski qui était ornée d’une copie en céramique de l’image «Bogatyri» de Vassili Vasnetsov montée dans l’ovale de l’attique.
Les travaux de l’usine «Abramtsevo» visaient à la fabrication des œuvres d’auteur. Les œuvres les plus réussies ont été créées pour de petits tirages.
Le laboratoire avec tout le travail de Pierre Vaoulin, qui a créé la majolique avec des reflets colorés de glaçure métallisée, a été transféré à l’usine principale.
La deuxième caractéristique de la production, c’était la technique où la majolique n’était faite pas sur une tuile standard mais sur des pièces avec relief de différents modules similaires à de la mosaïque (Mikhail Vrubel a été le premier à utiliser cette méthode). Il est intéressant de noter que la même technique a été utilisée en même temps par Antonio Gaudi — un architecte espagnol exceptionnel qui a activement utilisé la majolique dans son art.
À l’exposition universelle de Paris en 1900, Savva Mamontov a été récompensé de la médaille d’or en tant que fabricant d’objets en majolique, et Mikhail Vroubel a également reçu la médaille d’or pour ses travaux en majolique, comme la cheminée décorative «La rencontre de Volga Sviatoslavitch avec Mikoula Selianinovitch» et pour ses sculptures sur des sujets d’opéras.
Les majoliques de l’usine d’Abramtsevo ont dépassé les œuvres non seulement des artistes céramistes de l’Europe de cette époque, mais aussi des maîtres anciens. Elles ont donné une nouvelle impulsion dans la céramique architecturale, une véritable percée technologique et un monument extraordinaire de l’époque Moderne.
Abramtsevo est devenue la première entreprise en Russie à avoir adopté plusieurs nouvelles techniques artistiques dans la céramique architecturale. C’est cette entreprise qui a eu le mérite de promouvoir la céramique émaillée colorée dans la pratique de la construction dans l’histoire récente de la Russie, l’utilisation de la peinture polychrome et de la sculpture en céramique sur les façades des maisons et la transformation en œuvres d’art de bâtiments ordinaires.
Les successeurs de l’atelier «Abramtsevo» sont devenus l’atelier Murava, dont nous parlons dans l’un de nos articles, puis l’entreprise de Kikerino qui a été créée par le technologue d’Abramtsevo Pierre Vaoulin.
Les produits de l’usine de poterie «Abramtsevo» sont conservées dans les plus grandes collections nationales de Russie: la galerie Tretiakov, le musée Russe, le musée de la céramique de Kuskovo et d’autres.
Et en outre, nous avons le bonheur d’admirer tous les jours la majolique de l’usine sur les façades des bâtiments des villes russes.
